Grandes haches alpines du Néolithique européen

NOUVEAUTÉ -ACTUELLEMENT EN VENTE A LA BOUTIQUE DU MUSEE.

Pierre PÉTREQUIN
JADE,
Grandes haches alpines du Néolithique européen, 

Ve au IVe millénaires av. J.-C., 2012, 2 volumes.

Après dix années de prospection dans les Alpes italiennes, des chercheurs du CNRS découvrent des gîtes de jades (jadéitite, omphacitite, éclogite) exploités dès la fin du VIe millénaire av. J.-C. 
Cette découverte a fait l'objet du Projet JADE (Agence nationale de la Recherche, France), développé de 2006 à 2010. Les exploitations du Mont Viso, situées entre 1 500 et 2 400 m d'altitude, sont à l'origine de la production de grandes haches en roche précieuse qui ont circulé dans toute l'Europe occidentale pendant les Ve et IVe millénaires sur des distances considérables, soit 3 300 km d'ouest en est, de l'Irlande jusqu'en Bulgarie, et plus de 2 000 km du nord au sud, du Danemark à la Sicile. En utilisant les modèles ethnoarchéologiques de Nouvelle-Guinée, les auteurs retracent la découverte des carrières alpines, les normes de production des haches socialement valorisées et les conditions de leur transfert à longue distance, où ces lames polies participaient aux compétitions sociales et étaient utilisées par les élites dans le cadre de rituels religieux. 
À l'échelle de l'Europe, l'étude de quelque 1 700 longues haches en jades alpins permet de proposer aujourd'hui un panorama du Néolithique très différent de celui que l'on croyait connaître. La manipulation de mythes et d'objets-signes en jade permettait de fonder une forme de pouvoir théocratique qui a trouvé sa plus belle illustration en Bretagne, autour du golfe du Morbihan, où commençaient alors à s'aligner stèles monumentales et tumulus géants dès le milieu du Ve millénaire. La circulation des jades alpins apparaît alors comme un phénomène extraordinaire d'une ampleur insoupçonnée, dans des sociétés inégalitaires où Varna à l'est et le golfe du Morbihan à l'ouest apparaissent comme deux pôles des dynamiques sociales qui ont animé l'Europe pendant les Ve et IVe millénaires. 

Cet ouvrage de référence est présenté en deux volumes reliés à couverture rigide de 1 520 pages richement illustrées (944 documents couleurs, 177 en noir et blanc et 41 planches hors texte). Il regroupe les contributions de 51 auteurs de nationalité anglaise, allemande, belge, bulgare, espagnole, française, italienne, néerlandaise et helvétique, sous la forme de chapitres rédigés en français (avec des résumés détaillés en anglais) ou en anglais. D'une manière plus synthétique – tout en présentant les bases de données – l'ouvrage développe les résultats du Colloque international organisé par la MSHE Ledoux à Besançon, du 24 au 26 septembre 2009. Cet ouvrage s'adresse aux archéologues, aux ethnologues, aux géologues et aux étudiants, mais aussi à un large public intéressé par l'histoire et les fonctionnements sociaux, la minéralogie et les objets en roches précieuses. Il a bénéficié d'aides à la publication par le CRAVA, le ministère de la Culture (Sous-direction de l'Archéologie, France), l'Archaeological Society of Jutland, le Musée historique du Valais, l'UMR 8215 Trajectoires et les National Museums of Scotland.     
Les haches en roches vertes du Musée de Carnac sont particulièrement traitées dans le Chapitre 16, co-signé par la conservatrice du Musée de Carnac et intitulé :
"Dépôts bretons, tumulus carnacéens et circulations à longue distance"



Dépôts bretons, tumulus carnacéens
et circulations à longue distance

Breton hoards, Carnac tumuli
and long-distance circulations

(Serge Cassen, Christine Boulot, Salvador Dominguez Bella, Mikaë! Guiavarc'h, Christophe Le Pennec, Maria Pilar Prieto Martinez, Guirec Querré, Marie-Hélène Santroi et Emmanuelle Vigier)

Résumé:
La hache polie est l'objet-type des premières découvertes préhistoriques renseignées par les érudits oeuvrant en Morbihan (dépôt de Largueven, 1808), au même niveau d'intérêt que les premiers monuments mégalithiques fouillés dans cette région littorale (la Table des Marchands, 1811). De précoces typologies relatives à ces « coins >> remontent à 1860 et 1908, tandis que des prospections locales sont menées dans le même temps pour rechercher l'origine géographique d'une roche que l'on pressent déjà lointaine; des expérimentations testent aussi les procédés de fabrication d'un instrument hors du commun.
Car si le mot Néolithique s'impose à John Lubbock en 1865, si cette « nouvelle pierre » détermine une époque, elle le doit à l'instrument emblématique d'une région que médiatisent les extraordinaires haches carnacéennes. Des haches dont l'appropriation et la collection s'imposent à nouveau, une fois remises en circulation dans le monde des humains bien vivants en quête d'une jouissance et d'une puissance, preuve de la permanente actualité des percepts à leur endroit.
L'enfouissement des lames isolées ou rassemblées en nombre sera traité dans une première partie, en revisitant les sites non funéraires parmi les plus imposants. Au-delà de l'acte intentionnel et codifié, on établira les différents modes reconnus à l'offrande et au sacrifice , à l'aplomb d'un affleurement, au pied d'une stèle, au gué de la rivière, en bordure du marais, partout et toujours où pourra s'établir une communication, une médiation avec autrui. ancêtre, dieu ou démon.
Les tumulus carnacéens formeront le corps de la seconde partie, en revenant sur les textes princeps qui demeurent la seule réserve (informations relative aux conditions de découvertes de ces armes et parures, faute de fouilles modernes sur les tombeaux gigantesques. Comme pour les dépôts recueillis dans le même secteur géographique, un inventaire actualisé des objets sera enfin accessible après avoir été contrôlé.
Ces objets-signes ne feraient pas tant l'unanimité s'ils n'alliaient pas de manière indissociable la forme à la matière- C'est sur cette matière que portera la troisième partie, laquelle témoignera de la problématique de sa circulation à très longue distance et de sa captation sur les bords de l'Atlantique. Tout d'abord en rappelant l'origine alpine des roches des lames de haches; en soulignant ensuite un fait démontré concernant la variscite des perles et pendentifs dont la source est localisée dans le nord-ouest de la péninsule Ibérique (cf infra); en suggérant enfin une hypothèse à valider relativement aux lieux d'extraction de la fibrolite/sillimanite des haches et herminettes des caveaux carnacéens,là encore mieux situés en Espagne plutôt qu'en Bretagne ou en Haute-Loire. On abordera également la question des importations de récipients céramiques, des perles en ambre et en lignite.
Mais ces circulations à longue distance seraient inconcevables si des histoires, généalogies, symboles, mythes, croyances partagées n'accompagnaient les objets. La question des "liaisons " terrestres ou maritimes devra alors être posée. L'ombilic morbihannais du milieu du Vème millénaire ouvre sur l'espace européen, et son impact en retour se mesure à cette échelle.